Nous étions dix
Auteure : Nine Antico – Albin Michel Jeunesse- 2018
Ce livre m’a sauté dans les mains à la libraire, dites-donc : le titre, le doré et le bleu fascinant sur la couverture et puis le nom de l’auteure, oui, parfois ça peut jouer aussi sur le mystère et l’attirance que l’on a pour un livre. C’est l’histoire d’une bande de gosse qui part à l’aventure, ils sont dix et au fil du chemin, ils se retrouvent 9, puis 8, 7… jusqu’à ce que Rosie, la narratrice se retrouve toute seule
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Parce que, quand on l’a lu, la lecture est largement teintée de cette ambiance et pas très réconfortante… plutôt flippante, mais jubilatoire. Si vous n’avez pas lu, rassurez-vous, c’est un peu pareil.
« Mais, que deviennent les enfants qui disparaissent ? me dit un jour un monsieur à qui je l’ai lu ? – Je ne sais pas, ils sont rentrés dans la maison peut-être ? Ou pas ! » Les enfants disparaissent tous pour une très bonne raison : « Mais Joachim a préféré retrouver sa couette et son oreiller », nous dit le texte. Mais, pas l’image. Il en est ainsi de chaque enfant qui abandonne l’aventure : une raison plausible, mais jamais représentée, le décalage entre le texte et l’image est un gouffre pour tout envisager, du plus drôle au pire. Le texte peut rappeler Dix petits nègres, roman policier d’Agatha Christie dans lequel des personnages qui ne se connaissent pas se retrouvent sur une île dans une grande demeure, invités par quelqu’un de mystérieux qui les assassinent en suivant une comptine. Dans ce livre, le texte, sous forme de comptine n’a rien de terrifiant, au contraire, il ressemble plutôt à un chant d’aventure, il est rythmé et structuré :
« Nous étions 10 et RIEN, ABSOLUMENT RIEN ne nous effrayait… » Une expression revient aussi : « Rien, rien, rien Ne nous… » S’ensuit justement ce qui les sépare.
Et au fil des pages, l’aplomb face au danger disparaît avec les enfants. Le peur est tapie dans l’ombre, pour mieux surgir par surprise.
Ce qui est attire l’œil, d’abord dans ce livre, ce sont les images, les couleurs, les dessins des personnages encore jamais rencontrés dans un album. C’est précieux et somptueux, il y a du doré qui brille sur la couverture et des bleus nuit d’une incroyable intensité. Il y a cette petite lumière jaune vif celle de la lampe de poche qui brise le noir de la nuit. Et puis ces enfants, qui sont-ils ? Des cousins en vacances dans la maison de famille au bord de la mer ? Ils sont déguisés ou appartiennent à une autre époque que la nôtre ? Ils sont en colonie de vacances ?
Cet album est somptueux : le livre est précieux, dans la forme, sa mise en page, le soin accordé au papier, aux couleurs et il l’est d’autant plus qu’il s’adresse, il me semble, à ce qu’il y a de plus enfantin et humain en nous : le désir d’aventures, de braver les interdits quoi qu’il arrive, l’envie de se faire peur, mais de manière maîtrisée, le besoin d’incarner des personnages qui n’existent pas de se prendre pour un autre et puis… Albin Michel Jeunesse…
Collection Trapèze : en géométrie, un trapèze c’est droit, mais on a du mal à l’identifier, un peu carré, un peu rectangle ? Ce livre, c’est un peu pareil, on ne peut pas vraiment le mettre dans une case
Lisa Bienvenu
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