Buffalo Bill
Auteur : Taï-Marc Le Thanh ; illustratrice : Lucile Piketty – éditions Seuil jeunesse- 2017
Quel livre !
William Cody (alias Buffalo Bill) est au seuil de sa vie, installé dans un fauteuil à bascule, une couverture sur les jambes, dans sa cabane de rondins, au cœur de la forêt. Le Grand Esprit du bison lui rend visite et lui pose cette question : »Es-tu en paix avec toi-même ? » William Cody réfléchit, prend son temps et commence à raconter : son enfance et son adolescence, passées à s’ennuyer, avec le regard porté toujours loin, poussé par l’appel de l’Ouest Sauvage.
Il apprend à monter à cheval et apporte le courrier dans tout l’ouest, il apprend à tirer, la guerre puis la chasse jusqu’à décimer un troupeau de bison pour nourrir les ouvriers qui travaillent sur le chemin de fer, celui qui mènera les hommes vers l’or. Il devient alors Buffalo Bill et construit sa légende…
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…avec cet irrésistible appel de la liberté et du droit à rêver à n’importe quel prix. Je dis bien n’importe lequel. Ces histoires-là sont fascinantes parce qu’elles incarnent le besoin que l’Homme a à se construire des légendes merveilleuses pour masquer la sauvagerie dont il est capable afin d’aller au bout de son désir. Très souvent cette soif de liberté, cette insatiable curiosité se fait au détriment de l’Autre et aboutit à de grandes découvertes pour l’humanité. Mais le mal est fait et bien là, toujours. Au seuil de sa vie, pour partir tranquillement il faut pouvoir se regarder en face et admettre certaines monstruosités. C’est le questionnement incarné par le Grand Esprit du bison.
L’écriture de Taï-Marc Le Than est factuelle, reflétant ainsi la position du grand Esprit du bison qui inlassablement pose la même question « Es-tu en paix avec toi-même ? » et pousse ainsi Buffalo Bill dans ses retranchements. Ce texte se lit comme un grand souffle, une dernière respiration, profonde et qui n’aura pas de réponse.
Chaque phrase résonne, dans une ambiance sourde, ouatée. Le dessin de Lucile Piketty est « réaliste » et nous emmène vraiment dans l’Ouest américain, les cow-boy, les indiens, les trains, les chevaux, les bisons…On y est. Les couleurs ressemblent à celles du crépuscule, qui fait apparaître parfois des teintes surréalistes. On hésite entre le rêve et la réalité, on est fasciné, on ne sait pas vraiment où se situer. On est entre deux mondes, deux univers, deux atmosphères. Le moment où l’esprit peut facilement s’égarer.
Un livre à la fois grave et absolument merveilleux !
Lisa Bienvenu
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